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Clarisse, championne du monde !

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Impressionnante pépite, Clarisse Agbegnenou s’est offert l’or hier. À vingt et un ans, elle est appelée à régner longtemps.

L’OURAGAN était annoncé sur l’Oural. Les prévisionnistes avaient vu juste. Il fut bref, mais particulièrement impressionnant. Il était 18 heures, en effet, quand Clarisse Agbegnenou (- 63 kg) monta sur le tapis de la finale pour se frotter à l’Israélienne Yarden Gerbi. Une minute et trente-cinq secondes plus tard, le bonheur irradiait son visage en eau. Entre le coup de gong initial et le clap de fin, la sociétaire d’Argenteuil avait pris le temps de martyriser à moult reprises sa rivale avant de la dynamiter sur un mouvement de hanche (o-goshi) dont elle a le secret. Si le clan bleu exultait, les locaux s’emballaient. On saluait la foudre, on applaudissait au fracas du tonnerre. Championne d’Europe en titre, « Gnougnou » se pare de la couronne planétaire un an après avoir été contrainte d’abandonner le titre à… Gerbi. Son amie. Celle-là même dont les piètres résultats récents la poussaient à se demander, il y a peu, ce qu’elle pourrait faire pour l’aider à se remettre en selle. Pas rancunière pour deux sous, la fille de l’un des plus grands scientifiques togolais. Même si elle évoqua aujourd’hui, après son parcours royal, « une revanche » qu’elle se devait de prendre sur sa pote. Allusion, donc, à la précédente finale mondiale, le 29 août 2013 à Rio de Janeiro. Favorite du face-à-face, Agbegnenou s’y fait étrangler dans la première minute et tombe en syncope une poignée de secondes. L’arbitre espagnol (une référence) annonce ippon. Une lourde erreur car Gerbi a strangulé en usant de la veste de son propre kimono. Une pratique interdite. Le Japon (elle avait déjà utilisé cette technique au tour précédent sur Kana Abe) et la France portent réclamation. En vain. Les autorités arguant que l’étranglement a été efficace ! Une ineptie. Le soir même, Yarden attendait Clarisse au pied de son hôtel dans une immense limousine rose de location. Direction un café-concert où elle comptait bien associer la Française à sa fête.

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AVEC RINER EN RENFORT

Invaincue cette année, Agbegnenou a offert à la France du judo le 28e sceptre mondial de son histoire. À seulement vingt et un ans. Si l’on imaginait aisément ce scénario à la veille de l’épreuve, on pouvait nourrir quelques craintes, hier matin, à la lumière de ses premiers combats. Trois confrontations sans éclat, sans fulgurance. « C’est du stress , résumait alors Ahcène Goudjil, son coach à Argenteuil. Clarisse est jeune et elle sait qu’elle est la favorite de l’épreuve. » Des propos auxquels souscrivait Larbi Benboudaoud, l’entraîneur référent de la jeune femme en équipe de France : « Ce n’est peut-être pas la Clarisse qu’on a l’habitude de voir, mais personne ne l’a encore mise en danger. Elle ne l’a pas formulé, mais elle doit ressentir un peu de pression. » Au moment où le technicien prononce ces mots, Agbegnenou ne ressent rien. Elle dort dans l’une des salles d’échauffement. Incapable de se nourrir convenablement au petit déjeuner, elle s’est offert un plat de pâtes avant 15 heures. Et la sieste a succédé aux coups de fourchette. La coupure va s’achever dans une grosse demi-heure. Benboudaoud s’en va réveiller son athlète, un « bulldozer » , comme il dit. En chemin, il croise Teddy Riner. Débarqué mardi à Tcheliabinsk, il foule pour la première fois le sol de la Traktor Arena. « Je suis là pour supporter l’équipe » , sourit-il. À ses côtés, Eric Buonomo a les traits tirés. Ce matin, l’ex-poids lourd aujourd’hui DTN adjoint a servi de sparring-partner au champion olympique. « J’ai pris un autobus de 139 kg dans la poire » , se marre-t-il.

« JE RENTRE DANS L’INFINI »

« Je pense qu’elle va se libérer en demi-finales », avait pronostiqué Goudjil, tandis que Benboudaoud confiait : « Elle va lâcher les chevaux. » Ce qu’elle fit, aux dépens d’Anne-Laure Bellard. Une athlète de trente-deux ans retenue pour la première fois chez les Bleus et clouée au sol par la concasseuse de rêves, le cauchemar de celles qui aspirent à leur liberté d’expression. Une patronne qui démarra sa carrière d’internationale à dix-sept ans par une défaite au premier tour des Mondiaux 2010 contre une Thaïlandaise totalement inconnue et qui le demeurera. Une bosseuse hors pair, aussi. Qui, avant les étreintes et le cortège de félicitations, peinait à trouver ses mots : « Je rentre dans l’infini, souffla-t-elle, larmes de joie séchées. Je n’y crois pas, c’est magnifique ! Comme tous ceux qui m’ont précédée au palmarès des Championnats du monde, je vais avoir ma photo accrochée sur le mur du dojo de l’INSEP. Je demande à ce qu’elle soit placée au-dessus de celle de Larbi. » La soirée ne fait que commencer. Sa famille et ses amis l’attendent dans un coin du stade. Ahcène Goudjil, aussi, l’un des principaux artisans de ce talent qui ne cesse d’enfler. À deux ans des Jeux, Agbegnenou peut déjà songer à un triomphe. Et Rio se préparer à l’ouragan.

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